Recentré et désorganisé, le PS est jugé "inaudible"

Publié le par Le.vent.qui.souffle.sur.Chelles

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LE MONDE | 23.11.07 | 15h39  •  Mis à jour le 23.11.07 | 16h53

Les socialistes parlent, s'expriment. Mais qui les écoute ? "C'est devenu une rengaine : "On n'entend pas le PS sur les conflits sociaux." A force de la répéter, chacun s'en persuade. Pourtant, nous ne sommes pas devenus muets", se désespère le député européen Benoît Hamon.

Ces dernières semaines, les nombreuses déclarations de François Hollande, qui a interpellé deux fois le premier ministre à l'Assemblée nationale, multiplié les appels à la négociation et réclamé une conférence globale sur les retraites, l'emploi et les salaires, sont, semble-t-il, restées sans grand effet sur l'opinion.

Autre reproche : le PS ignore les mobilisations en cours. L'absence de figures emblématiques du parti au côté des mal-logés de la rue de la Banque, imputable à un "problème de communication" entre le premier secrétaire et le maire de la capitale, Bertrand Delanoë, a valu aux socialistes de subir les foudres de Josiane Balasko. "Qu'est-ce qu'ils foutent, les mecs du PS ? C'est nous, l'opposition", a asséné la comédienne, le 11 novembre, devant les caméras. M. Hollande s'est finalement rendu sur place jeudi 22 novembre pour affirmer que les municipalités socialistes "seront là si l'Etat se défausse".

BROUHAHA

En revanche, le PS n'a pas fait faux bond aux fonctionnaires en prenant soin d'envoyer une délégation dans le cortège de la manifestation parisienne du 20 novembre. "On nous a dit "on ne vous entend pas assez", mais l'ambiance était à l'empathie ; nous avons été vraiment bien accueillis", témoigne François Rebsamen, numéro deux du PS.

Pour autant, les sondages ne donnent aucun signe d'amélioration de la crédibilité du PS mais confirment le bond de la popularité d'Olivier Besancenot. Pour Benoît Hamon, "c'est moins le discours de l'extrême gauche qui séduit que l'image des socialistes, qui donnent le sentiment d'hésiter sur tout, qui nous fait du tort". M. Hollande ne paraît pas s'alarmer. Il rappelle les critiques dont le PS fut l'objet lors des mouvements de 1995 et 2003 - avant de remporter les législatives de 1997 et les régionales de 2004. "Les socialistes n'ont pas vocation à conduire les manifestations, dit-il. Nous entendons avancer les propositions les plus conformes à ce que nous aurions fait si nous avions été au gouvernement car il faut assumer l'idée de réforme."

Le PS, en effet, met une distance croissante avec la partie la plus radicale du mouvement social. Il réclame une négociation globale et la prise en compte de la pénibilité de certains métiers mais reconnaît sans fard la nécessite d'allonger à quarante ans la durée de cotisations pour les régimes spéciaux. De même, il dénonce le peu de moyens accordés aux universités sans condamner le principe de leur autonomie.

Ce recentrage progressif des socialistes - qui, contrairement, aux vieilles habitudes d'après-défaite ne considèrent pas avoir perdu l'élection présidentielle parce qu'ils n'étaient "pas assez à gauche" - ne leur permet guère de camper sur des slogans d'opposition traditionnels, "clés en main". Ce qui ne les empêche pas de miser sur la thématique fédératrice du pouvoir d'achat, considérée comme le principal point de faiblesse de Nicolas Sarkozy. En espérant que les actions du PS dans l'opinion repartiront bientôt à la hausse et permettront de faire basculer nombre de municipalités et de cantons en mars 2008.

"Si le parti n'est pas audible, il le doit à lui-même", diagnostique Annick Lepetit. "Nos instances de délibération ne fonctionnent plus ; en témoigne la floraison d'interventions, déclarations et tribunes de dirigeants socialistes prenant à témoin l'opinion pour lui expliquer à quel point nos affaires vont mal", regrette la députée de Paris. C'est une évidence, le PS ne parle pas d'une seule voix. Les prises de position de Ségolène Royal font de l'ombre au premier secrétaire dont la position est fragilisée face à des adversaires - "rénovateurs", anciens alliés ou successeurs potentiels au prochain congrès - qui n'hésitent pas à hausser le ton, quitte à grossir artificiellement les divergences.

Dans le brouhaha du PS, parler plus fort que les autres reste la manière la plus efficace de se faire entendre. Mais pas forcément de se faire comprendre.

Jean-Michel Normand
Article paru dans l'édition du 24.11.07.

Publié dans REVUES DE PRESSE

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