La France, future proie de la Chine

Publié le par Le.vent.qui.souffle.sur.Chelles

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La Tribune.fr - 27/11/07 à 9:17 - 837 mots


Après celles des Etats-Unis, les demandes européennes visant à l'appréciation de la monnaie chinoise sont vouées à l'échec. Pour Mathilde Lemoine, économiste et enseignante à Sciences Po Paris, les politiques de change sont étroitement liées aux politiques commerciales.
 

Avec constance, les secrétaires au Trésor américain demandent l'appréciation de la monnaie chinoise par rapport au dollar et se déplacent en Chine pour appuyer cette revendication. Les Européens affichent désormais la même position. A la suite de l'Eurogroupe du 8 octobre, les ministres des Finances de la zone euro ont annoncé qu'ils étaient prêts à engager un "dialogue régulier" avec les autorités chinoises sur les politiques macroéconomiques.

Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, se rend aujourd'hui dans ce but en Chine avec le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, et le commissaire aux Affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia. Malheureusement, ces demandes sont vouées à l'échec dans la mesure où le taux de change de la monnaie chinoise, le yuan renminbi, dépend essentiellement de la politique nationale. Or, cette politique consiste à générer de la demande externe en faveur des biens produits en Chine grâce à une sous-évaluation du change, ce qui implique de retarder la pleine convertibilité de la monnaie et le développement du système financier.

En effet, la demande intérieure, peu dynamique, est insuffisante pour assurer une baisse significative du taux de chômage. Le sous-développement des systèmes de retraite et de santé incite les ménages à épargner. Et cette épargne est gardée sous forme de dépôts faute de crédits immobiliers ou de crédits à la consommation disponibles. De plus, les entreprises investissent peu car leur accès aux financements externes est limité. Le manque d'infrastructures financières locales ne permet pas une allocation efficace de l'épargne et contraint les investissements, notamment des entreprises privées du secteur protégé.

Au total, l'épargne brute représente près de 50% du PIB chinois. Le seul moyen d'accélérer le développement, compte tenu de ces caractéristiques internes, consiste à générer une activité supplémentaire permettant d'accroître rapidement la production nationale sans avoir à reformer le système financier ni le secteur protégé. Le contrôle du système financier et du compte de capital comme la convertibilité partielle de la monnaie limitent les sorties de capitaux tout en rendant possible l'investissement direct en Chine, en particulier dans le secteur exportateur, ce qui retarde l'appréciation de la monnaie.

La Chine a ainsi capté une partie de la consommation des ménages et de la demande de biens des entreprises des pays disposant de marchés financiers développés comme les États-Unis. En outre, la sous-évaluation du yuan a exercé des pressions déflationnistes face auxquelles les pays développés ont réagi en mettant en oeuvre des politiques de soutien de la demande, ce qui s'est traduit par une nouvelle dégradation du déficit commercial.

La zone euro a été moins sollicitée car sa balance courante était plus équilibrée grâce à une politique économique moins expansionniste. Mais cette époque est révolue. En effet, le ralentissement de la croissance américaine oblige les autorités chinoises à trouver de nouveaux débouchés comme le confirme leur annonce de diversification de leurs réserves de change en euros. Leur stratégie va alors consister à laisser le yuan s'apprécier moins rapidement par rapport à l'euro que par rapport au dollar. C'est d'ailleurs ce que l'on commence à observer. La France risque d'être la première victime de cette réorientation de la stratégie de développement chinoise à cause de sa politique budgétaire expansionniste.

L'annonce d'un déplacement en Chine par les membres de l'Eurogroupe montre la prise de conscience de cette réorientation de la stratégie monétaire chinoise mais le "dialogue régulier" ne permettra pas de changer le cours des choses. Pourtant, la zone euro a les moyens d'éviter la poursuite de l'appréciation de l'euro vis-à-vis du yuan en continuant à refuser à la Chine le statut d'économie de marché. L'Eurogroupe peut aussi demander à la Commission d'utiliser les instruments déjà disponibles comme les clauses de sauvegarde ou l'antidumping.

Cela exercerait une pression bien supérieure aux demandes mêmes d'appréciation du yuan. En effet, l'obtention du statut d'économie de marché nécessite notamment la transparence et la libéralisation du système financier, ce qui engendrerait une appréciation rapide du yuan. Et tant que la Chine ne l'a pas obtenu, la Commission peut mettre en oeuvre plus facilement des mesures d'antidumping quand les règles du jeu ne sont pas respectées. Mais il ne faut pas se tromper de débat. Les politiques de change sont étroitement liées aux politiques commerciales.

Le président de la république comme celui de l'Eurogroupe ne doivent pas se focaliser sur le change lors de leurs prochains déplacements et faire participer activement le commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, à leurs rencontres. Ils auraient alors plus de poids lors de leurs échanges avec nos partenaires chinois.

 

Mathilde Lemoine, économiste et enseignante à Sciences Po Paris

Publié dans REVUES DE PRESSE

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