Orelsan, symptôme de la régression mentale généralisée.
Au début du siècle, dans les petites troupes de théâtre itinérantes, il n’était pas bon de jouer le rôle du traître, car des spectateurs attendaient parfois le méchant à la sortie pour lui « casser la gueule ». Dans les années cinquante, Georges Brassens eut des ennuis avec la censure, en invitant à se réjouir avec lui - dans une chanson célèbre - qu’un jeune juge se fasse sodomiser par un gorille : exemples de l’incapacité d’une partie de la population, mais aussi des pouvoirs publics, de comprendre que l’art opère une mise à distance entre le texte et l’auteur, le rôle et l’acteur, l’humoriste et ses personnages… De façon générale, entre l’œuvre et le créateur, que ce soit dans les arts plastiques, au théâtre, au cinéma, en littérature, ou en chansons ; c’est évidemment au second degré que le spectateur ou l’auditeur doivent également se placer pour recevoir, comprendre, interpréter…
Le temps a passé, le niveau d’instruction a augmenté et tous les mois de juillet, les nouveaux bacheliers battent obstinément les records de l’année précédente. L’entendement s’est répandu, et a suffisamment progressé pour que chacun ait compris qu’il ne fallait pas dénoncer à la police Michel Sardou chantant sur des paroles de Delanoë qu’il avait envie de violer des femmes, ni livrer à la justice Michel Berger et Luc Plamondon, parce que dans Starmania des loubards se vantent d’en faire autant aux filles dans les parkings ; tout le monde (ou presque) a compris que les propos racistes ou machistes que Coluche tenait sur scène avaient pour but de ridiculiser les racistes ou les machistes.
Il y a fort à craindre que la déprogrammation d’Orelsan des Francofolies de La Rochelle soit le signe d’un retour du balancier, d’une régression vers les brumes bien-pensantes de ces époques que l’on croyait révolues. La qualité - fort douteuse au demeurant - de la chanson incriminée (« sale pute ») n’y change rien : le débat sur cette affaire révèle d’inquiétantes confusions dans les argumentations. Ségolène Royale a-t-elle ou non exercé un chantage aux subventions ? Comme si une déprogrammation sans chantage devenait pertinente !