"Une seule majorité est possible : une majorité large du centre gauche au centre droit"

Publié le par MODEM MARNE & CHANTEREINE - CHELLES

17 août 2011

François Bayrou

 

A l'occasion de la sortie de son livre "2012 Etat d'urgence", François Bayrou a répondu aux questions de l'Express, dans son numéro du 17 août 2011. Il est revenu sur ses deux priorités, la production et l'éducation : "aucune des deux majorités classiques ne peut soutenir la politique nécessaire pour répondre à ces deux impératifs absolus", a-t-il affirmé. "En France, il faut un choc", a déclaré le président du Mouvement Démocrate.


L'Express : En 2006, à dix mois de la présidentielle, un homme politique avait profité de la trêve estivale pour publier un livre. Le candidat Nicolas Sarkozy de 2007 est-il source d'inspiration pour vous?

François Bayrou : En 2007, Nicolas Sarkozy plaidait la rupture pour, en fait, conserver la majorité sortante. Aujourd'hui, la situation est si grave, économiquement, financièrement, socialement, moralement, qu'on ne peut plus ruser: il s'agit d'aller droit aux causes des problèmes du pays, et de changer le jeu politique qui nous empêche de corriger ces dérives. C'est pour cela que l'élection présidentielle sera cruciale. Elle doit permettre de sortir du brouillard et du découragement. Il me paraissait important de publier ce livre avant la rentrée et les péripéties qui l'accompagneront.

La crise des marchés est-elle reliée à l'"état d'urgence"?

Evidemment, oui. La cause de ce tsunami est dans l'abus de dettes publiques dont j'avais fait le thème de ma campagne de 2007. On voit aujourd'hui la gravité de ce laxisme, chez nous en France, dans l'Europe du Sud, comme aux Etats-Unis. Endettés comme nous le sommes, nous ne pouvons traverser la tempête que si les taux d'intérêt restent très bas. S'ils explosent, nous explosons avec eux. Mais la vraie question aujourd'hui est bien celle-ci: pourquoi sommes-nous contraints d'emprunter toujours plus? C'est le sujet de mon livre.

En quoi auriez-vous des solutions auxquelles les autres n'auraient pas pensé?

Production, éducation: aucune des deux majorités classiques ne peut soutenir la politique nécessaire pour répondre à ces deux impératifs absolus. Chacune d'entre elles est divisée, la gauche de la gauche et la droite de la droite mettent la pression et empêchent de voir les choses en face. Il faut donc une majorité large, une majorité de rassemblement capable de prendre les décisions qui s'imposent. La majorité de gauche est pour une large part en rupture avec l'entreprise, la majorité de droite en rupture avec l'école. L'une a trop sacrifié à l'injustice. L'autre multiplie les promesses irréalisables, création de centaines de milliers d'emplois publics, retour à la retraite à 60 ans, augmentation des allocations et des budgets. Il n'y a qu'une seule majorité possible si on veut trouver des solutions: une majorité large du centre gauche au centre droit. En France, il faut un choc.

Que faire pour muscler la production française?

En 2004, l'Allemagne était aussi mal que nous le sommes aujourd'hui. En cinq ans seulement, ce pays, avec la même monnaie que la nôtre, avec les mêmes salaires, a relevé tous les défis. Les Allemands ont accepté la mondialisation, assoupli le marché du travail, puissamment incité à l'emploi, certes avec une période de modération salariale, mais les salaires allemands sont toujours supérieurs aux salaires français. L'Agenda 2010, le plan du chancelier social-démocrate Schröder, a été combattu par la gauche de la gauche. Il a été réalisé par Angela Merkel grâce à une majorité centrale, centre gauche-centre droit, la grande coalition CDU-SPD. Aujourd'hui, c'est un pays en excédent qui gagne sur tous les marchés, et le chômage y a disparu.

Vous parlez d'"Agenda 2020"?

Il faut viser les mêmes résultats. D'abord par le soutien à l'entreprise, aux PME, en transformant la fiscalité et la répartition des charges sociales. Ce sont les conditions de la reconquête des secteurs de production que nous avons désertés. L'Allemagne n'a abandonné aucun des secteurs de grande consommation, ni l'équipement de la maison, ni même le textile. Notre devoir est, pareillement, d'organiser la reconquête. Nous avons une chance: ces produits, dans les années qui viennent, vont exiger, notamment dans le haut de gamme qui sera notre premier enjeu, l'utilisation de technologies nouvelles. Le second impératif est de travailler sur l'image de marque de la France. Les Allemands gagnent grâce à leur image de marque. Pour vendre leurs voitures, ils en sont même à utiliser la langue allemande comme seul argument publicitaire: "Das Auto." Pour tout le monde, allemand, ça veut dire sérieux, robuste, fiable. Rien ne peut nous empêcher de donner à la France la même réputation de sérieux, en y ajoutant créativité et innovation, nos atouts.

Votre autre priorité, c'est l'éducation. La France a-t-elle encore des marges de manoeuvre financières?

Je suis pour la sanctuarisation des moyens de l'éducation en échange d'un contrat de résultats. L'un compte autant que l'autre. Ce sera un effort exceptionnel de maintenir ces moyens dans le long terme, mais c'est indispensable. Nous ne pouvons pas accepter de dégringoler sans cesse parmi les pays développés. Et nous ne pouvons pas accepter que 20 pour cent de nos enfants soient en perdition. Comment y parvenir? Par un immense effort de repérage des classes qui réussissent, et la transmission de leurs méthodes. Un transfert de pédagogie comme il y a des transferts de technologie. Si vous prenez les 5 pour cent d'enseignants qui réussissent le mieux, dans tous les milieux, même les plus difficiles, je vous garantis que leurs résultats valent ceux de la Suède ou du Danemark. Il faut se servir de leur réussite pour la généraliser.

L'austérité s'imposera-t-elle au président, quel qu'il soit?

Je ne sais pas s'il faut appeler cela de l'austérité, de la rigueur ou du sérieux. Ce qui est sûr, c'est que nous ne pouvons continuer de la sorte - ou la France devra bientôt frapper à la porte du FMI! Il faudra rééquilibrer: réduire les dépenses, les interventions de l'Etat, et récupérer en même temps 20 milliards d'euros sur les niches fiscales, augmenter la TVA de deux points, et en même temps la contribution des tranches les plus aisées. Et cela en donnant des perspectives de reconquête, d'avancées, en montrant l'horizon positif vers lequel nous irons.

Lisez l'interview de l'Express en intégralité en cliquant ici.

Publié dans ELECTIONS PASSEES

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