Cellules souches : promesses et fantasmes

Publié le par Le.vent.qui.souffle.sur.Chelles

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Jamais, sans doute, dans l'histoire de la biologie, on n'a assisté à un engouement comparable à celui que suscitent les recherches sur les cellules souches humaines : des résultats spectaculaires sont annoncés à des échéances de plus en plus rapprochées ; les meilleures revues scientifiques spécialisées leur ouvrent largement leurs colonnes ; les médias d'information générale relatent le tout et les chercheurs spécialisés dans ce domaine trouvent plus facilement que leurs collègues évoluant dans d'autres disciplines des crédits pour financer leurs recherches.

Pourtant, aucune des applications thérapeutiques imaginées à partir des cellules souches embryonnaires humaines n'a encore vu le jour. Et si de nombreux essais préliminaires se mettent en place, rien ne permet encore de dire si l'on assiste aux premiers pas d'une nouvelle médecine - qualifiée de "régénératrice" - qui fournirait des organes de substitution aux personnes souffrant de maladies dégénératives neurologiques ou musculaires aujourd'hui incurables.

Jusqu'à présent, les débats, scientifiques autant qu'éthiques, semblaient se résumer à la question de l'utilisation des cellules souches issues de la destruction d'embryons humains conçus in vitro au cinquième jour de leur développement. Les partisans de ces recherches font valoir que les cellules embryonnaires ont des propriétés de différenciation qui laissent penser qu'elles offrent plus d'avantages que les cellules adultes pour des applications médicales.

Or, ces dernières semaines, des résultats inattendus sont venus bouleverser les termes du débat. Des biologistes travaillant au Japon et aux Etats-Unis ont démontré, preuves à l'appui, qu'il est techniquement possible de transformer des cellules prélevées sur la peau d'une personne (donc "adultes") en cellules qui présentent les caractéristiques des cellules souches embryonnaires humaines.

Mieux encore : une équipe franco-italienne codirigée par Luis Garcia (CNRS, Institut de myologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) a annoncé, mercredi 12 décembre, dans la revue Cell Stem Cell, être parvenue à prélever un type de cellules souches dans le sang ou les muscles de jeunes malades de la myopathie de Duchenne. Les chercheurs ont corrigé génétiquement ces cellules par la technique des "sauts d'exon", les ont réinjectées par voie sanguine et obtenu des améliorations significatives de la fonction musculaire chez des modèles expérimentaux de souris myopathes. Ce travail ouvre, à très court terme, la voie à des essais cliniques chez des personnes souffrant de cette forme courante de myopathie. D'autres espoirs peuvent aussi être nourris en ce qui concerne le traitement de l'incontinence urinaire.

Au vu des investissements effectués dans ces recherches, on sait que ces résultats seront bientôt suivis d'autres, sans doute aussi spectaculaires. A eux seuls, ils ne permettront nullement d'affirmer que le maniement et la culture des cellules souches est sur le point de donner naissance à une médecine "régénératrice" aujourd'hui encore largement fantasmée. Il n'en reste pas moins vrai que l'amélioration progressive de la maîtrise de ces éléments cellulaires semble bien constituer une nouvelle voie pour comprendre le vivant et, chez l'homme, en corriger un jour certaines de ses expressions pathologiques les plus douloureuses.

 
Jean-Yves Nau
Article paru dans l'édition du 14.12.07.

Publié dans REVUES DE PRESSE

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